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Avant-propos

Je n’ai absolument aucune connaissance en matière de peinture, aucune formation dans le domaine et suis totalement incapable d'un jugement éclairé, Non. Je n'ai pas les bases je l'avoue. Une peinture me plaît ou ne me plaît pas et je sais ce que je n'aime pas. Mais... je reste bouche bée chaque fois que je vois une oeuvre de Caravaggio ou bien d’Artemisia Gentileschi. Elle est pour moi, le pendant féminin du Caravage. Ce n’est bien sûr qu’un ressenti qui m'est totalement personnel mais j'ai la même émotion à voir l'oeuvre de l'un ou de l'autre. Aussi, faire un article sur cet immense artiste qu'est le Caravage m’a été un réel plaisir.

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Itinéraire d'un peintre assassin

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Ses origines

Comme sa disparition, la vie du Caravage tient de la légende.

De son vrai nom Michelangelo Merisi, il naît le 29 septembre 1571, à Milan, dans la paroisse de Santa Maria de la Passerella où résident alors ses parents Fermo Merisia et Lucia Aratori qui, tous deux originaires de Caravaggio, une petite ville de la région de Bergame alors sous domination espagnole, se sont mariés le 15 janvier de la même année avec pour témoin Francesco Ier Sforza de Caravage, marquis de Caravaggio.

On connait assez peu de chose des premières années de Michelangelo et sa date ainsi que son lieu de naissance ont longtemps constitué une énigme : c'est l'année de 1573 qui a souvent été retenue, jusqu'à la découverte en 1973 de l'acte de naissance de son frère cadet Giovanni Baptista, permettant alors par déduction de corriger à l'année 1571. Les derniers doutes sont levés grâce à la découverte en 2007 de son propre acte de naissance dans les archives historiques du diocèse de Milan où figure, à la date du 30 septembre 1571 : « Aujourd'hui le 30 fut baptisé Michel-Ange, fils du signor Fermo Merisi et de la signora Lucia Aratori. Parrain, le signor Francesco Sessa », ce dernier étant un patricien milanais.

Michelangelo Merisi tiendrait son surnom de ce village lombard d'où ses parents sont originaires.

A peine adolescent, deux traits marquent déjà son caractère : un talent précoce pour la peinture, et une brutalité à fleur de peau. 

Des débuts difficiles

Il gagne ensuite Milan et, en 1584, entre en apprentissage dans l’atelier du peintre Simone Peterzano (vers 1540-1596), chez qui se perpétue la tradition du maniérisme.

C'est au cours de cette période que se joue le destin d'un artiste appelé à devenir révolutionnaire, et c’est sans doute là qu’il acquière sa sensibilité pour le traitement réaliste, caractéristique de l’école lombarde de l’époque.

Âgé d'une vingtaine d'années, il part tenter sa chance dans la Rome des papes et des mécènes.

Ce n'est pas à 15 ou 16 ans que l'on peut espérer une commande de la révérende Fabrique de Saint-Pierre. Alors il se loue à la journée à un marchand qui vend leurs portraits aux étrangers de passage à Rome. Et il prépare les colles, broie les couleurs, gâche le plâtre et le mortier. Il y connaît des débuts difficiles, partageant la vie du peuple auquel il empruntera ses modèles – notamment ceux de jeunes garçons qui invitent parfois à une lecture érotique de son œuvre. A la sauvette, il réussit à peindre pour lui, jusqu'au jour où il est remarqué par un peintre arriviste et à la mode : le Cavalier d'Arpin, peintre officiel des papes, décorateur également maniériste, qui a des cardinaux plein ses manches et couvre voûtes et murs d'églises de sa peinture séduisante et facile.

Accueilli dans l'atelier de Giuseppe Cesari, dit le Cavalier d'Arpin, celui-ci lui confie les bordures de ses tableaux, guirlandes de fleurs et feuillages, alors que le jeune homme veut peindre ce qu'il voit : les gens qu'il croise dans la rue avec leur trogne, les voyous, les mendiants, les prostituées. Il se peint aussi lui-même, tel qu'il se voit dans le miroir : petit, noiraud, maigre, sombre. Et si désireux de faire connaître son talent !

Justement. Il est présenté au cardinal Del Monte, l'un des plus grands collectionneurs romains d'alors qui lui offre le gîte, le couvert et des gages et l'introduit dans les milieux les plus influents.

En bref, il « lance » le Caravage qui, grâce à sa protection, va bientôt obtenir les grandes commandes officielles qui permettront à un large public de découvrir ses œuvres.

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Un tournant capital

De 1599 à 1602, le Caravage réalise sa première grande commande : celle des toiles de la vie de saint Matthieu destinées à la chapelle Contarelli de l'église Saint-Louis-des-Français : Vocation de saint Matthieu, Martyre de saint Matthieu, Saint Matthieu et l'ange. En effet, en 1599, la Congrégation de Saint-Louis ne voyant pas les travaux de cette chapelle aboutir, les fresques des parois latérales du Cavalier d’Arpin restant inachevées, fit appel au jeune Caravage pour en finir l’exécution.

Ces œuvres marquent un tournant capital dans son itinéraire.

Elles traduisent une crise de conscience qui pousse le peintre à s'interroger sur le bien-fondé de son interprétation réaliste de tout événement, même sacré. Il cherche alors un langage nouveau qui puisse justifier les libertés que cette interprétation entraîne nécessairement à l'égard de l'iconographie consacrée par la tradition et reconnue par l'Église.

Dans ses scènes présentant des personnages mythologiques, religieux ou traditionnels il s’écarte également de la manière de la renaissance en les représentants sous l’apparence de personnes “réelles“, telles qu’il les rencontre dans son quotidien : sans aucune idéalisation, souvent vêtues de façon contemporaine et suggérant des traits de caractère appartenant plus au modèle qu’au personnage représenté.

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Des violences en série

La vie de débauche et de violence que le Caravage mène dans les bas-fonds de Rome contraste fort avec la carrière d'un peintre bien en cour auprès des gens d'église et si ardemment attaché au sujet religieux.

Son caractère agressif et coléreux finit par jouer en sa défaveur. Caravage en homme violent se bat régulièrement, séjourne quelquefois en prison, et va même jusqu’à tuer.

Il aime s’habiller à la manière des riches, et même si ses vêtements sont déchirés cela ne fait qu’ajouter à son goût de l’exubérance et de la provocation.

Que la légende en ait rajouté ou non, il est attesté qu'il eût maille à partir avec la police pontificale. On a retrouvé trace, en effet, des poursuites judiciaires dont il fut l'objet.

Ayant toujours l'épée au côté, il n'est pas le dernier à jouer les bretteurs et, quoique traité avec indulgence, il goûte de la geôle à plusieurs reprises.

Le 28 mai 1606, alors que toute la ville fête le couronnement du pape Paul V, le Caravage, accompagné d'amis, se querelle en pleine rue avec un jeune noble à la réputation sulfureuse, Ranuccio Tomassoni… et le tue.
Outre cet homicide, n jeune historien vient de retrouver des archives prouvant qu’il avait déjà mortellement blessé un compagnon en Lombardie.
Homosexuel vivant de prébendes, ivrogne violent, truand arrogant avec l'injure à la bouche, le voilà maintenant aussi assassin. 

Condamné à mort par contumace par le pape, et recherché pour ce meurtre, le Caravage doit quitter Rome. Il se réfugie à Naples en 1607, où il continue à peindre pour des commanditaires privés.

C'est probablement pendant sa fuite qu'il peint un Repas à Emmaüs en le développant sur le schéma d'une scène de taverne où chaque personnage sort de l'obscurité grâce à un éclairage individuel qui saisit les sentiments sur le vif. Il travaille fébrilement à de nombreuses œuvres qui sont aujourd'hui en partie perdues. Parmi celles qui subsistent figurent les fameuses Sept Œuvres de Miséricorde.
Il part ensuite à Malte en 1608 où il se met au service des chevaliers de l'ordre de Malte. Le Grand Maître de l’Ordre le fait chevalier en hommage à son talent.

Il en est vite renvoyé, en raison d’une altercation grave avec l’un des membres de l’Ordre. Il s’évade de prison et est à nouveau obligé de fuir.

Il débarque alors en Sicile en octobre 1608, puis revient à Naples l'année suivante. Au cours de ses pérégrinations, il réalise des chefs-d'œuvre comme les Funérailles de sainte Lucie, la Résurrection de Lazare et l'Adoration des bergers, la Nativité et, sans doute, Saint Jean-Baptiste. Fidèle à son attachement aux aspects les plus humbles de la vie quotidienne, le Caravage en donne, dans ses dernières œuvres, la version la plus spiritualisée, que traduit une mise en page toute de sobriété et de noblesse.

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Promoteur d'un style

Très tôt, le Caravage adopte un style personnel. La nouveauté absolue de son art saute aux yeux : chez lui, il n'y a ni paysage, ni décor, ni accessoire, mais une simplicité aussi brutale que la vie.

Il réagit contre les conventions du maniérisme et leur oppose une « peinture naturelle » empreinte de crudité.

Son style se révèle et son talent se fait vite remarquer.

N’ayant pas les moyens de payer des personnes pour poser, il peint en se servant de lui-même comme modèle. Le Jeune Bacchus malade vers 1593, par exemple est un autoportrait.

Ses tableaux rompent déjà avec la tradition maniériste en proposant une lecture immédiate de l’image où le sujet, prit sur le vif, est figé dans l’instant comme s’il avait été “photographié“, concept visuel nouveau et inventé par le jeune artiste.

Il renouvelle les thèmes profanes, tels que celui de Bacchus dans son Bacchus malade, dans son Bacchus adolescent (1597), qui sert de prétexte à une accumulation de produits naturels et d'objets quotidiens ; l'Amour vainqueur (vers 1598) est considéré, non sans raison, comme une parodie d'un motif cher à Michel-Ange.

N'établissant aucune hiérarchie de valeurs dans les multiples aspects du réel qui nourrissent son inspiration, le Caravage traite un thème religieux comme le Repos pendant la fuite en Égypte (1595-1596) à la manière d'un thème trivial comme la Diseuse de bonne aventure (vers 1594). Rompant définitivement avec la peinture de genre antérieure, il fait de sa Corbeille de fruits (1597-1598), à la vérité éclatante et tangible, l'unique motif d'un tableau qui est regardé comme la première nature morte moderne.

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Luminisme et clair-obscur sanglant

Caravage aborde ensuite la peinture de genre qui deviendra grâce à lui un des thèmes majeurs du XVIIe siècle. Son style arrive à maturité, portant l’héritage du maniériste pour la composition, de l’école lombarde pour le réalisme lié à l’utilisation de la couleur et de la lumière et de l’influence de peintres vénitiens tels que le Titien, Giorgione ou Lorenzo Lotto pour les ambiances intimes et nocturnes.

Orfèvre de la palette brune, le Caravage impose son credo esthétique de façon d'autant plus pénétrante que celui-ci s'exprime avec une sorte de calme certitude. Audacieusement transposés dans une ambiance familière, les événements sacrés sont saisis dans leur évidence à la fois physique et spirituelle grâce au rôle révélateur de la lumière.

Celle-ci, qui provient d'une source latérale extérieure au tableau, éclaire les éléments essentiels de la composition en obéissant non pas à des lois optiques, mais aux exigences de l'artiste. La scène est alors plongée dans un clair-obscur qui la dramatise : c'est l'affirmation du « luminisme » caravagesque.

Si l’anticonformisme en peinture au début du XVIIe siècle consiste, sous l’influence des Carrache, à s’éloigner du maniérisme en se rapprochant du modèle classique de Raphaël et Michel-Ange, Caravage en propose un nouveau basé sur l’étude de la réalité, tant au niveau du fond que de la forme, qu’il oppose à l’étude traditionnelle du savoir.

Ses personnages sont humains, dans leur apparence autant que dans leurs émotions : la joie, le courage, la volonté, la peur, la surprise, la violence, sont autant d’attributs dont le Caravage pare ses personnages et offre à la lecture du spectateur.
Tant de nouveautés ne lui confèrent pas un accueil favorable de la part de la majorité des adeptes de l’art mais il est néanmoins soutenu par un certain nombre, conscient du génie de l’artiste. Il reçoit alors de nombreuses commandes de la part de dignitaires religieux pour la décoration de leur chapelle.
A partir de 1600 environ il peint ses plus grands chefs-d’œuvre et commence à connaître la célébrité.

Plus intenses encore que les précédentes, les compositions intitulées le Crucifiement de saint Pierre et la Conversion de saint Paul (1600-1601) sont le fruit d'un approfondissement des thèmes religieux, qui s'exprime par un réalisme poussé à l'extrême (par exemple, la croupe du cheval au premier plan de la Conversion de saint Paul) et par une évolution du clair-obscur insistant sur le fond noir.

Dans cette même lignée se situent la Mise au tombeau (1602-1604) et la Madone des pèlerins (1603-1605). Puis l'obscurité envahit de plus en plus les tableaux, devenant le symbole même d'une lutte contre les ténèbres (Mort de la Vierge, 1605-1606 ; des Saint Jérôme, 1605 et 1606).

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Sources...

Rattrapé par son passé ?

C’est sur le chemin du retour, en Toscane, qu’il trouve la mort à l’âge de 39 ans.

Décidé à rentrer à Rome où il espère que le pape, qui l'avait banni de la Vville sainte, va enfin signer sa grâce, le peintre gagne Porto Ercole par la mer, qui n'est qu'à quelques kilomètres des Etats pontificaux.

A-t-il été arrêté par erreur à sa descente de bateau, puis relâché ? Toujours est-il que, dénué de tout, brûlé par le soleil et souffrant de malaria, il trouve la mort sur cette plage du Latium.

Les restes du Caravage ont été retrouvés et identifiés dans l’ossuaire d’une église de Porto Ercole en Toscane.

On a pensé un temps qu'il avait succombé à une fièvre alors qu’il traversait des marais sur la route de Rome ou que d’anciennes connaissances avaient su profiter de son retour pour se venger d’affronts passés.

Mais un peu plus de 400 ans après sa disparition, la science vient de résoudre l'énigme de sa mort. Après avoir pu analyser ses restes présumés, et notamment ses dents, des chercheurs français et italiens ont établi qu'il avait succombé à un staphylocoque doré, une affection aujourd'hui essentiellement nosocomiale.

 

L'unanimité des historiens d'art ne s'est jamais faite sur toutes les œuvres qui doivent être attribuées au Caravage. Il n'en reste pas moins que, si celui-ci est sans disciple direct, il a en revanche une immense postérité.

Le Caravage a en effet laissé aux générations suivantes un héritage artistique des plus importants. Il a non seulement rompu avec la manière de son époque mais il a surtout permis à l’art de prendre une direction nouvelle.

Si Giotto et Masaccio ont permis l’évolution de l’image gothique à la Renaissance, Caravage a inventé une grammaire et un vocabulaire pictural entièrement nouveaux qui serviront de base à la peinture baroque dans un premier temps mais également à tous les mouvements des siècles à venir dont l’objectif sera de rendre en image la vérité telle qu’on la voit et de l’interpréter avec toute la force de la passion mais sans aucun compromis.

Il faudra attendre la fin du XIXe siècle avec Cézanne pour retrouver un artiste capable de remettre à ce point l’art en question et proposer un langage radicalement différent.

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